lundi 16 janvier 2012

État des lieux de la promotion et de la valorisation du design en France, suite (et fin)*


* Le sujet a déjà fait l'objet de deux articles, un daté du 21/11/2011, et un du 05/12/2011.











PROJECTitude avait relevé dans l'article du 21/11/2011 le peu de visibilité sur les actions de l'État français en faveur de la promotion et de la valorisation du design. Il faut croire que le Ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie s'est fait la même réflexion puisqu'Éric Besson, Ministre chargé de l'Industrie, de l'Énergie et de l'Économie numérique a fait palpiter la planète design à l'occasion de son discours (téléchargeable ici) lors de la 9ème conférence européenne sur les enjeux du design en Europe, le 9 janvier 2012.






L'intervention d'Éric Besson a clôturé la conférence organisée par l'APCI en apothéose pour cette dernière et pour sa présidente Anne-Marie Boutin. Après avoir rappelé l'importance de l'intégration du design dans les entreprises, et s'être félicité de l'existence du site www.entreprise-et-design.fr (sic), le ministre a en effet annoncé la création d'un Centre National du Design, une "plateforme du design en France" sur le modèle de celles existant en Grande-Bretagne ou aux Pays-Bas. Sa construction a été confiée l'APCI. Si tout le monde s'accorde à saluer l'initiative tant attendue, la nouvelle a provoqué quelques remous dans le bain déjà très tiède des organismes de promotion du design qui ont été tenus à l'écart de ce projet, et qui n'ont pas hésité à émettre immédiatement quelques réserves sur son pilotage par l'APCI, son programme ou son budget. Il est décidément frappant de constater à quel point le design est un gâteau appétissant qui provoque convoitise et jalousie.





Laissons là ces querelles de boutiquiers et analysons un peu l'initiative d'Éric Besson. Le ministre souhaite, outre la création de ce centre, l'intégration du design dans l'action des pôles de compétitivité*, et l'élaboration d'un référentiel des métiers du design à usage des entreprises (Ce dernier point satisfera sans doute l'adjointe au maire de Paris chargée du commerce, de l'artisanat, des professions indépendantes et des métiers d'art, Lyne Cohen Solal (lire l'article du 05/12/11)). Voilà pour les lignes directrices très générales, à mettre en œuvre par l'APCI avec un budget restreint : un million d'euros. Le tout est donc plus une ébauche d'un dispositif dont les cases restent à remplir, qu'un projet nourri par des idées audacieuses pour le design. On est loin d'une vision ambitieuse d'une profession impliquée dans la vie et la transformation de la société.





Et pourquoi pas? Dans le domaine du design comme ailleurs, il n'est plus très réaliste de tout attendre d'un État aujourd'hui assez peu providentiel. Les clefs du projet se retrouvent donc dans les mains d'Anne-Marie Boutin. La présidente de l'APCI, pour qui  la nouvelle ressemble fort à une consécration, a déjà annoncé que la priorité pour elle et son équipe (pas de formation d'une nouvelle équipe pour le moment, pas de lieu dédié non plus) serait de trouver des fonds privés pour faire fonctionner le centre. Au delà de l'aspect financier (et des règlements de compte avec les autres organismes de promotion du design) les actions à mener n'ont pas été vraiment énoncées. 





On l'aura compris dans le discours de M. Besson, il s'agit avant tout de valoriser le design au sein des entreprises. C'est la grande idée plus très nouvelle qui fait courir tout le monde, à toutes les échelles de l'organigramme embrouillé des "décideurs" du monde du design. Bien sûr, les designers ont tout à y gagner : des emplois, une clarification de leurs fonctions, une reconnaissance de leur pratique. Bien sûr, c'est une bonne idée. Mais ne peut-on pas, enfin, dépasser les enjeux économiques du métier, ou du moins s'en affranchir quelques instants, le temps d'une réflexion plus théorique, plus culturelle peut-être, sur l'avenir de la profession, sur ses transformations en cours et à venir, sur ses besoins et ses ressources? Qui, mieux que les designers, sait ce qui pourrait être moteur pour eux, ce qui pourrait les aider à fédérer leur profession, à en faire un outil économique, social, culturel indispensable pour la France? Un Centre National du Design, certes, mais pour qui, si ce n'est pas pour les designers?





Au fil des ces articles, deux constats se sont imposés. Le premier, c'est que la promotion et la valorisation du design en France ressemble fort pour le moment à une vaste cour de récréation. Le deuxième est un comble : il semble que nous, designers, soyons les grands oubliés de la politique du design en France. La plupart des designers l'ont compris, qui n'attendent plus rien depuis longtemps de ces organismes, mais préfèrent mener à bien et avec cœur de beaux projets pour les individus et leur environnement, pour les groupes, pour la société. C'est ceux là que PROJECTitude préfère aimer et relayer. Le Centre National du Design n'a pas encore vu le jour, il est peut-être déjà le terreau d'idées formidables pour les entreprises, et on lui souhaite bonne chance, sincèrement. Mais pour faire émerger les beaux projets et interroger les designers sur l'avenir de leur profession, PROJECTitude a décidé de ne pas l'attendre.





* Un pôle de compétitivité rassemble sur un territoire donné, des
entreprises, des laboratoires de recherche et des établissements de
formation pour développer des synergies et des coopérations. L’enjeu
est de s’appuyer sur les synergies et des projets collaboratifs et
innovants pour permettre aux entreprises impliquées de prendre une
position de premier plan dans leurs domaines en France et à
l’international.

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...