lundi 24 octobre 2011

Exposition Martin Szekely au Centre Pompidou : Ne plus dessiner ≠ Ne plus rêver








Heroic Carbon Desk, Martin Szekely (fibre de carbone, résine, nid d'abeilles aluminium)

© Galerie kreo, 2010 - © photo : Fabrice Gousset




Ne plus dessiner. Le titre de l'exposition de Martin Szekely au Centre Pompidou (12 octobre 2011-2 janvier 2012) sonne tout d'abord comme une bouderie, un ras-le-bol. Le monsieur en a marre de dessiner. Soit. La tournure à l'infinitif marque l'esprit, elle y fait son chemin. La sommation tiendrait du souhait (je voudrais bien parvenir à ne plus dessiner) ou même du pari (je peux produire des objets sans dessiner), presque de l'équation mathématique (objet - dessin = x). L'infinitif se fait suppliant, injonctif, puis à bien y réfléchir, tout à fait ferme : Il est un manifeste contre les signes. 



Le design contemporain est narratif, référentiel, affectif : les designers "projettent des scénarios", les objets "racontent des histoires", les artisans "leur donnent une touche sensible". Aux antipodes de ce débordement émotionnel souvent artificiel, Martin Szekely propose un design froid (il dit "sec"), reposant uniquement sur l'usage et l'ingénierie qui peut le servir. Il énonce l'axiome suivant : dessiner, c'est déjà projeter, embellir, se faire plaisir, apposer une esthétique ou une signature ; bref le dessin, c'est l'ego qui se gonfle et déforme l'objet. Donc si le processus de création ne passe pas par le dessin, mais se concentre en une réflexion sur la fonction, l'usage et la matière, le résultat devrait être au plus près de qu'on attend de l'objet : un objet silencieux, économe, juste. 


« Ne plus dessiner », précise-t-il, « C’est se mettre à une distance
objective du projet. C’est ne plus s’en remettre à l’imagination
individuelle et son corollaire le dessin, comme ce fut mon cas dans les
années 80 et 90. C’est établir une méthode de travail basée sur des
données extérieures à ma personne et partageables par tout un chacun,
celles que je nomme les « pierres dures » : l’intitulé du projet, sa
dimension culturelle, les modalités de sa réalisation qui comprennent
bien évidemment le choix du matériau et enfin sa destination
contextuelle, le lieu et surtout les gens à qui est destiné le projet. 
»

La filiation avec le Mouvement Moderne se lit entre les lignes. Les objets de Szekely en sont-ils pour autant réduits à des formes archétypales connues? Non. Aucune référence, ressemblance en vue. Aucun ennui ne vient empoussiérer la production de Szekely, pourtant très sobrement exposée à la Galerie du Musée. La puissance de sa pensée se décline en une quarantaine de pièces réparties entre objets de commande et recherches personnelles. Toutes sont simplement uniques et exactes. Comme si... comme si elles avaient été dessiné mille fois, jusqu'à en extraire la substantifique moelle. Pourquoi ces objets nous semblent autant dessinés? Parce que l'idée que le dessin amène la forme juste est profondément ancrée dans la conscience collective des designers. Le dessin serait à la fois la porte d'entrée du Projet, et la clef de sa réussite. Cette idée nous fait confondre pureté des lignes et pureté de l'intention. Pour beaucoup de designers, le dessin devient même un outil marketing. Et c'est peut-être bien cette confusion qui est à l'origine du magma formel du design actuel. 



Loin des centaines d'images déversées tous les jours dans la presse "design", Martin Szekely fait le chemin inverse. Sa démonstration est éclatante pour les objets de recherche, subtile pour ceux de plus grande consommation, dans les deux cas elle est magistrale. Non dessiné ne signifie pas inesthétique, sec ne veut pas dire ennuyeux. Les objets de Szekely prennent place dans un monde où rien n'est superflu, où la matière est exactement à sa place afin de rendre les objets parfaitement fonctionnels. Dans ce monde qui n'est pas encombré par l'inutile, ni brouillé par les signes, le champ est laissé libre pour ce qui a le pouvoir de nous fait vraiment rêver : la rencontre, l'inattendu, l'œuvre d'art peut-être.


La Galerie Kréo expose en parallèle les dernières recherches de Martin Szekely, "Units", du 15 octobre au 23 décembre 2011.







étagère T5, Collection "des étagères", Martin Szekely (aluminium, Nextel)

© Galerie kreo, 2005 - © photo : Fabrice Gousset






étagère Tino, Martin Szekely (aluminium, acier, Nextel)

© Galerie kreo, 2004 - © photo : Fabrice Gousset






Heroic Shelves, Martin Szekely (aluminium, nid d'abeille aluminium)

© Galerie kreo, 2009 - © photo : Fabrice Gousset






Stonewood One, Martin Szekely (pierre, acier)
© Galerie kreo, 2005 - © photo : Fabrice Gousset






table Blanche, Martin Szekely (nid d'abeilles aluminium, Corian), 2007

© Collection Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. © photo : Fabrice Gousset






table circulaire Concrete, Martin Szekely (Béton Ductal), 2007
© Collection Les Arts Décoratifs, Musée des Arts décoratifs, Paris. © photo : Fabrice Gousset






table Tore, Martin Szekely (Acier)


© Galerie kréo, 2007 - © photo : Fabrice Gousset






rangement cork 3, Martin Szekely (liège, Corian, Nylon), 2009
© Collection Centre Pompidou, Musée national d'art moderne, Paris. © photo : Fabrice Gousset

 

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