lundi 20 juin 2011

“Partition pour quatre artisans d'art” : entretien avec Jean Couvreur




enceintes en grès cuit au four Anagama
avec Tristan Chambaud-Héraud

Nontron / Les Résidences de l'Art en Dordogne

 


Diplômé de l’ENSCI/Les Ateliers en 2007, Jean Couvreur exerce à Paris son activité de designer d'objets et d'espaces. Après des débuts en scénographie
chez Pascal Payeur puis à son compte, il met progressivement en œuvre ses projets
de design produit, basés sur l’expérimentation de la matière. Le pôle des
métiers d’art de Dordogne lui a offert en 2010 une résidence de plusieurs mois
à Nontron (Périgord), qu’il a mise à profit pour travailler directement avec
des artisans locaux. Quatre projets sont nés de ces collaborations : un
banc en bois, des enceintes en grès, des lampes en cuir et des lampes en verre.
Cette aventure est présentée ces jours-ci aux Ateliers de Paris.








Quel projet avais-tu en tête en
débutant ta résidence à Nontron ?


Je devais faire un projet d’éco habitat mais je m'en suis vite détourné. En arrivant à
Nontron, j’ai dû montrer patte blanche. Se mettre en résidence, c’est vivre au
rythme du pays, des commerçants. C’est comprendre le « génie du
lieu »… Le fait même de se déplacer créé les conditions du projet, un
« projet valise » en quelque sorte.


Ma
première exposition sur mes projets antérieurs a créé du lien avec le public. J’ai
appris à connaître les gens, à apprivoiser la géographie et les particularités
locales. C’est le lieu qui a dicté le projet.


L’artisanat
est une activité porteuse dans la région. C’est une économie locale
intéressante parce qu’alternative, et j’avais envie de la valoriser par rapport
à une production de masse qui intéresse moins les gens. L’artisanat permet de
penser rapidement des produits plus justes, plus résistants au temps. C’est aussi
une production à échelle humaine, qui exige un rapport de proximité, une solidarité
même. Pour vivre cela il faut être sur place, et j’avais cette chance.





Ton projet se compose de quatre objets
réalisés avec des artisans locaux.


Comment as-tu choisi les métiers d’art
en question ?


Je
suis arrivé avec une envie instinctive de travailler certains matériaux, puis
j’ai rencontré les artisans. Ces rencontres ont été plus ou moins fécondes. Cela
a beaucoup joué dans le choix des métiers. Travailler avec des gens avec qui on
a des affinités, c’est primordial. Cela permet de se comprendre rapidement et
de gagner du temps dans le projet.





Comment as-tu été accueilli par les
artisans ?


J’ai
ressenti à mon arrivée une forme de méfiance, qui correspond à un à priori
assez répandu sur un certain design. J’ai par exemple rencontré une personne
qui avait peur que je dessine uniquement des objets blancs… Certains artisans
avaient une image stéréotypée du designer parisien assis sur sa chaise derrière
son ordinateur, qui fait des images de synthèse toute la journée. Quand ils ont
vu que je passais du temps dans les ateliers, cette appréhension s’est dissipée.
On s’est rendu compte qu’on se posait les mêmes questions, même si nos réponses
sont différentes.





Selon quel processus avez-vous
collaboré ?


J’ai
fait beaucoup d’allers-retours, au sens propre comme au figuré. L’avantage de
ne pas être du métier, c’est qu’on arrive naïvement avec des idées qui
paraissent saugrenues. Chaque artisan connaît ses processus de fabrication, qui
imposent à la longue une logique de production répétitive. Je leur ai proposé
d’essayer autrement, de sortir de cette logique. Ce n’est pas toujours
possible, mais parfois l’idée et la matière se rencontrent.


Ma
méthodologie est de laisser parler la matière sans se poser la question du
résultat final, de l’application. Je crois beaucoup en l’expérimentation, à la
manipulation de la matière. Cela peut passer aussi par la maquette ou le dessin.


Pour
ces projets, les possibilités d’application sont restées longtemps ouvertes. Il
faut faire confiance à la matière, elle relie toujours au réel de toute façon, avec
elle on ne reste jamais trop longtemps dans l’abstrait. Par exemple les pièces
de céramiques longues se sont cassées à cause de la vibration. L’idée d’en
faire une enceinte pour restituer parfaitement le son s’est imposée.





Quel avenir imagines-tu pour ces objets
?


Le
banc fait l’objet d’une aide à projet du VIA, il sera présenté au salon Maison
& Objet de février 2012. Sur le long terme j’aimerais développer une gamme selon
ce principe. Les lampes en verre devraient être éditées bientôt, celles en cuir
sont pour le moment libres à l’édition. Enfin les enceintes sont plutôt des
pièces d’exception, elles ne sont pas destinées à de la grande série. Elles
intéressent des galeries, à suivre !


Aujourd'hui j'ai surtout envie de poursuivre ma démarche da valorisation de
savoir-faire régionaux, qu’ils soient artisanaux ou industriels. Ce type de projet
est transposable au monde de l’industrie, selon d’autres modalités de
fonctionnement bien sur, et il y a de belles collaborations à initier.







enceintes en grès cuit au four Anagama

avec Tristan Chambaud-Héraud


Nontron / Les Résidences de l'Art en Dordogne











1.






2.








1, 2 et 3 : lampes de table et suspensions

avec Marilia Schetrite / vitrailliste


Nontron / Les Résidences de l'Art en Dordogne














lampes de bureau

avec Caroline Samuel / maroquinière


Nontron / Les Résidences de l'Art en Dordogne




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